Tout s’était passé si vite. L’instant d’avant, Raiponce était sur son lit, serrant contre son cœur un petit cadre photo où se trouvaient Jack et elle. Tous deux souriaient, bienheureux. Ils reflétaient alors l’image d’un couple parfait. Et quelques secondes à peine avaient suffit pour tout faire basculer. La malédiction s’était brisée, et ce fut comme si on insufflait une nouvelle vie à la demoiselle. Une flopée de souvenirs jaillirent en elle, l’assaillant de part et d’autre. Elle revoyait chaque souvenir avec une précision alarmante ! Les seize années passées dans une tour, avec la même geôlière qu’aujourd’hui. Et son héro, son brave héro, son Flynn, qui venait. Pas pour voler à sa rescousse non, pour se cacher. Mais il avait ensuite été son guide dans ce nouveau monde qui s’offrait à elle. Et, progressivement, elle s’était mise à l’aimer. Aujourd’hui encore, elle se rappelait cet amour comme si elle n’avait jamais pu l’oublier ! Et pourtant… Elle l’avait bel et bien oublié. Pire encore ! Son cœur lui avait menti. Lui avait fait croire qu’elle n’avait jamais éprouvé de pareils sentiments, jusqu’à sa rencontre avec Jack.
Ah ! Elle se rappelait encore ce moment où leurs regards s’étaient croisés. Ce moment où elle était tombée amoureuse, comme une adolescente, de lui. Ce moment où elle avait décidé de se jeter à l’eau. Et finalement, ce grand instant de bonheur lorsqu’il avait accepté de lui ouvrir son cœur. De lui laisser une place dedans. Maintenant ? Evidemment qu’elle s’en voulait ! Elle l’aimait encore. Elle ne pouvait pas balayer ainsi plusieurs années de vie commune. Pourtant, lui, le Gardien, Jack Frost, il n’avait personne d’autre dans sa vie à part elle. Lorsqu’elle avait décidé de rompre leur serment, lorsqu’elle s’était séparée de lui, elle avait entendu dans sa voix, à l’autre bout du téléphone, tout ce qu’il ressentait. Elle se sentait odieuse de lui faire cela. Il avait vraiment été bien plus qu’un pilier ces dernières années. Ils prévoyaient même d’emménager ensembles. Et elle. Elle, elle partait. Elle l’abandonnait, dans l’espoir de retrouver le héro qui jadis l’avait également demandé en mariage. Elle ne se souciait guère de s’il se souvenait d’elle. Au fond, elle savait qu’il n’aurait pas pu l’oublier. Si elle savait…
Avec la fin de la malédiction, cette chère Raiponce avait décidé de fuir de chez elle. Pas question de rester avec cette traîtresse de Gothel ! Elle avait réussi à dormir chez une de ses amies, et essayait tant bien que mal de grapiller des informations. Qui sait. Peut être quelqu’un savait-il où trouver Eugène. Mais à tous les badauds qu’elle avait pu rencontrer, Arcadia n’avait soutiré que très peu d’informations. Certains connaissaient effectivement un Eugène. Il n’avait pas bonne réputation, disaient-ils. Et ils étaient incapables de décrire à quoi il ressemblait. Au fond, Raiponce savait. Elle savait que lorsque leurs regards se croiseraient, elle saurait que c’était lui. Elle sentirait son corps fourmiller de toutes parts, et son cœur se serrer dans sa poitrine. Mais pour l’instant, cette réaction tant désirée n’était jamais arrivée. Tant et si bien que, désespérée, la demoiselle avait vraiment besoin de se changer les idées. C’est ainsi qu’un beau matin, alors que la douce bise hivernale venait rebuter tous ceux qui mettaient le nez dehors, chaudement vêtue, la demoiselle quitta l’appartement de son amie, matériel à dessin en main. Elle avait vraiment besoin de faire autre chose que de passer ses journées à chercher Flynn. Surtout que lui, visiblement, ne la cherchait pas. S’ils étaient deux à se chercher, ils se seraient trouvés. Et puisqu’elle ne l’avait toujours pas croisé, cela voulait bien dire qu’il n’était pas en train de faire de même. Arrivée au parc qu’elle aimait tant, elle alla s’installer sur un banc, se réchauffa prestement les mains, et sortit calepin et crayon de mine. Lentement, avec une dextérité digne d’elle, et prouvant qu’elle avait passé la moitié de sa vie à ne faire que cela, elle se mit à dessiner. Ce que représentait le début d’ébauche ? La tour dans laquelle elle avait été enfermée. Et une jeune fille blonde, à la seule fenêtre de cette haute tour. Cette jeune fille, c’était elle.